ANGELA DAVIS : « Pour obtenir des victoires contre le racisme...
ANGELA DAVIS : « Pour obtenir des victoires contre le racisme et le
patriarcat, il nous faut défier le capitalisme »
L’Humanité (humanite.fr), Publié le 26 septembre 2024
Lina Sankari ET Christophe Deroubaix
À 81 ans, la radicalité intacte, Angela Davis continue de transmettre, inlassablement : tant qu’il cultive l’espoir et l’érige en discipline, le peuple est le moteur de l’histoire.
L’icône anticapitaliste et défenseuse des droits humains nous a accordé un entretien exclusif lors de son passage à la Fête de l’Humanité.
« Les Palestiniens ont été parmi les premiers à soutenir la lutte des Noirs aux États-Unis et à se lever au moment des manifestations de Ferguson en 2014 (à la suite de l’assassinat de Michael Brown par un policier – NDLR). Ils ont en quelque sorte initié le mouvement de solidarité à l’échelle internationale autour de Black Lives Matter », explique Angela Davis. © Magali Bragard
Elle est arrivée, solaire, au petit matin. À l’heure où la Fête de l’Humanité a encore les yeux embués, Angela Davis s’est prêtée au jeu de l’interview au Village du monde alors que les petites mains, affairées à mettre en place les chaises ou à chercher un collier de serrage pour un tuyau qui fuit, multiplient les allers-retours. Depuis la grande scène qui porte son nom parviennent les échos des balances. Poliment, Angela Davis demande si l’on peut déplacer la table afin de trouver la concentration. La voilà, dans un décor presque champêtre, à évoquer la raison de sa troisième venue à la Fête.
À 81 ans, la philosophe et militante des droits civiques, communiste et féministe, signe la préface du livre « Mumia, la plume et le poing » (éditions le Temps des cerises), qui regroupe des œuvres dédiées à la libération du plus vieux prisonnier politique au monde. Un instant suspendu où elle échange avec Johanna Fernandez, la porte-parole de Mumia Abu-Jamal, qui l’accompagne. « She keep on pushin’ » (elle continue d’avancer), disaient d’elle les Rolling Stones. Cinquante-quatre ans après, rien n’est plus vrai.
Votre dernière venue à la Fête de l’Humanité date de 1991. Depuis la fin de la guerre froide, le monde a vécu de nombreux soubresauts et de nombreuses guerres. Comment se porte votre idéal ?
Angela Davis : L’espoir reste nécessaire. Sans espoir, il n’y a aucune possibilité de victoire. Je citerai la militante américaine Mariame Kaba, qui souligne que l’espoir est une discipline. C’est une discipline que nous devons cultiver, car sans espoir il n’y a aucune possibilité d’aller de l’avant. À plusieurs égards, nous assistons à de nombreux reculs aux États-Unis mais aussi en Europe. Je n’aurais jamais imaginé l’ampleur du racisme auquel nous nous sommes habitués aujourd’hui. Je me souviens qu’étant jeune la France était vraiment l’exemple de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.