Un embargo sur les armes à destination d’Israël n’est pas une idée radicale : c’est la loi

vendredi 6 septembre 2024

PNG - 5.1 ko JPEG - 63.4 ko L’arrêt de l’aide militaire à Israël est le strict minimum que les États-Unis peuvent faire pour mettre fin au génocide de Gaza. Un embargo sur les armes n’est pas seulement soutenu par 80 % des électeurs du Parti démocrate, il est exigé par le droit international et américain.

Alors qu’Israël lance son plus grand assaut militaire en Cisjordanie depuis vingt ans, je ne peux m’empêcher de penser aux personnes que j’ai rencontrées dans le territoire occupé. Je pense à cette mère de Jénine qui était au téléphone avec ses deux fils quelques secondes avant que leur maison ne soit incendiée lors d’un raid israélien. Je pense à cette femme au mari détenu dans une prison israélienne sans inculpation ni jugement qui m’a demandé : « Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire ? Mon mari est en train de mourir. » Je pense à l’agriculteur qui m’a offert un melon alors qu’il pouvait à peine mettre de la nourriture sur sa propre table et que je n’étais là que pour une courte période, voyageant et faisant du bénévolat avec Faz3a, une organisation internationale de présence protectrice.

Alors que tous les regards sont tournés vers Gaza, les Palestinien·nes de Cisjordanie subissent ce que beaucoup appellent un « génocide lent ». Chaque jour, des colons israéliens attaquent des familles palestiniennes pour les expulser de leurs terres privées. Ils détruisent les puits d’eau, brûlent les maisons et agressent les familles. Les Palestinien·nes qui restent sur leurs terres risquent d’être arrêtés. Au cours des dix derniers mois, 9 000 Palestinien·nes de Cisjordanie ont été arrêté·es et détenu·es sans inculpation ni jugement, et nombre d’entre elles et eux ont été torturé·es.

En juillet, la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction mondiale, a jugé illégale l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza. La Cour a estimé que le régime de ségrégation dans lequel vit le peuple palestinien – avec des routes séparées, un accès rationné à l’eau et un système juridique distinct fondé sur le droit militaire – s’apparente à de l’apartheid. La Cour a ordonné à Israël de retirer ses colons du territoire palestinien occupé, de payer des réparations et de respecter le droit des Palestinien·nes à l’autodétermination.

Un jour plus tard, des ami·es américain·es ont été violemment attaqué·es par des colons en Cisjordanie. Ils et elles accompagnaient des agriculteur·ices palestinien·nes dans leurs oliveraies lorsque des colons de la colonie voisine d’Esh Kodesh sont descendus et les ont frappés à l’aide de tuyaux métalliques. Ce mois-ci, un autre volontaire américain non armé de l’organisation internationale de présence protectrice Faz3a a été blessé par balle à la jambe par l’armée israélienne. Le département d’État américain est resté largement silencieux.

Alors que le parti démocrate se bat pour gagner des voix, nombreux·ses sont celles et ceux qui ont demandé aux États-Unis d’imposer un embargo sur les armes à Israël afin de signifier au Premier ministre Netanyahou qu’il ne peut continuer à violer le droit international en toute impunité. Ce que peu de gens savent, c’est qu’un embargo sur les armes n’est pas seulement souhaité par 60 % des Américain·es et près de 80 % des électeurs démocrates, mais qu’il est en fait déjà exigé par la loi.

La loi fédérale américaine est claire : les pays qui reçoivent des fonds militaires américains doivent respecter les normes en matière de droits de l’homme sous peine de perdre leur financement.

La loi sur l’aide à l’étranger stipule qu’aucune aide ne peut être fournie à un pays « qui se livre à des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme internationalement reconnus ». La loi Leahy interdit la fourniture d’armes « à toute unité […] d’un pays étranger si le secrétaire d’État dispose d’informations crédibles selon lesquelles cette unité a commis une violation flagrante des droits de l’homme ».

Les violations flagrantes comprennent « la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la détention prolongée sans inculpation ni jugement, […] et tout autre déni flagrant du droit à la vie ou à la liberté », autant d’actes dont Israël est reconnu coupable par la CIJ, les Nations unies et même les experts et les tribunaux israéliens en matière de droits de l’homme.

Nos lois américaines exigent donc que nous suspendions le financement militaire d’Israël jusqu’à ce qu’il remédie à son bilan en matière de droits de l’homme en acceptant un cessez-le-feu permanent à Gaza et en se conformant à la décision de la CIJ de mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens.

Une telle pause – ou un « embargo sur les armes » – n’est pas sans précédent. En 2021, les États-Unis ont retenu 225 millions de dollars de financement de l’Égypte et ont suspendu la vente d’armes offensives à l’Arabie saoudite en raison des violations des droits de l’homme commises par ces pays. Alors pourquoi les États-Unis appliquent-ils leurs lois de manière sélective ?

Le 8 février, le président Biden a signé le mémorandum 20 sur la sécurité nationale qui, au moins, faisait un clin d’œil à nos lois fédérales. Ce mémorandum exige du secrétaire d’État qu’il obtienne des « assurances écrites crédibles et fiables » de la part des bénéficiaires étrangers de l’aide militaire qu’ils utilisent les armes américaines dans le respect du droit international. Ceux qui ne fournissent pas ces assurances ou qui font des déclarations non étayées par des preuves devraient voir leur aide interrompue.

En mars, le département d’État a admis qu’il existait « des rapports crédibles faisant état de violations présumées des droits de l’homme par les forces de sécurité israéliennes, notamment des exécutions arbitraires ou illégales, des disparitions forcées, des actes de torture et de graves abus dans le cadre de conflits ». Pourtant, le Département a approuvé sans discussion les « assurances » du gouvernement israélien et la Maison Blanche a continué à approuver des milliards de dollars de transferts d’armes en dépit des violations reconnues du droit international.

Selon un récent rapport du ministère israélien de la défense, les États-Unis ont envoyé plus de 50 000 tonnes d’armes et d’équipements militaires à Israël depuis le 7 octobre, soit une moyenne de deux livraisons d’armes par jour.

Tout cela m’écraserait s’il n’y avait pas mes ami·es palestinien·nes qui m’ont appris à quoi ressemblent une foi et un engagement inébranlables dans la vie.

Je vous pose donc la question, Madame la vice-président Harris : si vous êtes élue présidente, veillerez-vous à ce que les lois des États-Unis soient fidèlement exécutées, comme l’exige notre Constitution ? Respecterez-vous systématiquement les lois fédérales qui interdisent le financement des gouvernements étrangers qui commettent des violations des droits de l’homme, quelle que soit la puissance de ces gouvernements ou de leurs lobbies ? Respecterez-vous l’engagement que vous avez pris lors de la convention nationale du parti démocrate « de mettre fin à cette guerre de manière à ce qu’Israël soit en sécurité, que les otages soient libérés, que les souffrances à Gaza cessent et que le peuple palestinien puisse exercer son droit à la sécurité, à la dignité, à la liberté et à l’autodétermination » ?

Pour ce faire, nous devons joindre le geste à la parole, et non nous contenter de parler. Cela exige que nous changions de politique et que nous ne nous contentions pas d’exprimer nos préoccupations. La suspension du financement militaire d’Israël est le strict minimum nécessaire pour mettre fin aux bombardements d’innocent·es et pour nous rappeler que nous sommes, après tout, une nation fondée sur des lois.

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss