UNRWA : la violente campagne menée par Israël à l’encontre de l’Agence doit cesser

dimanche 7 juillet 2024

La guerre à Gaza a généré un mépris flagrant pour la mission des Nations Unies qui s’est traduit par des attaques sans précédent à l’égard du personnel, des installations et des opérations de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au proche Orient (l’UNRWA). Ces attaques doivent cesser, et le monde doit agir afin que les auteurs de ces actes en soient tenus responsables.

La guerre à Gaza a généré un mépris flagrant pour la mission des Nations Unies qui s’est traduit par des attaques sans précédent à l’égard du personnel, des installations et des opérations de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au proche Orient (l’UNRWA).

Ces attaques doivent cesser, et le monde doit agir afin que les auteurs de ces actes en soient tenus responsables.

À l’heure où j’écris ces lignes, notre Agence a pu vérifier qu’au moins 193 de ses employés ont été tués à Gaza. Près de 190 bâtiments de l’UNRWA ont été endommagés ou détruits. Des écoles de l’UNRWA ont été démolies ; au moins 500 personnes déplacées ont été tuées alors qu’elles étaient venues chercher refuge dans des écoles et autres installations de l’UNRWA. Depuis le 7 octobre, les forces de sécurité israéliennes arrêtent régulièrement des membres du personnel de l’UNRWA à Gaza, qui ont témoigné avoir été torturés et maltraités pendant leur détention dans la bande de Gaza et en Israël.

Le personnel de l’UNRWA est régulièrement harcelé et humilié aux points de contrôle israéliens en Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise. Des installations de l’Agence sont utilisées par les forces de sécurité israéliennes, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens à des fins militaires.

L’UNRWA n’est pas la seule agence onusienne à faire face à de tels périls. En avril, des véhicules du Programme alimentaire mondial et d’UNICEF ont essuyés des tirs, involontaires semblerait-il mais en dépit d’une coordination préalable avec les autorités israéliennes.

L’assaut contre l’UNRWA s’est étendu à Jérusalem-Est, où un responsable municipal a incité à manifester contre l’Agence. Les manifestations deviennent de plus en plus dangereuses : on répertorie au moins deux incendies criminels de nos bâtiments. Une foule d’individus, parmi eux des enfants israéliens, s’est rassemblée devant nos locaux en chantant « Au feu l’ONU ». À différentes reprises, les manifestants ont jeté des pierres.

Les officiels israéliens ne font pas que menacer le travail de nos employés et notre mission, ils délégitimisent également l’UNRWA, en la qualifiant d’organisation terroriste qui encouragerait l’extrémisme, et caractérisent les dirigeants de l’ONU comme terroristes, en insinuant une connivence avec le Hamas. Ce faisant, ils créent un dangereux précédent, légitimant le ciblage routinier des infrastructures et du personnel onusiens.

JPEG - 83.9 ko

Comment cela est-il devenu possible ? Où est l’indignation de la communauté internationale ? Son silence est une invitation à mépriser les Nations Unies, et ouvre la porte à l’impunité et au chaos. Si nous tolérons de telles attaques dans le contexte d’Israël et du Territoire palestinien occupé, nous ne pourrons légitimement pas faire respecter les principes humanitaires dans d’autres situations de conflit dans le monde. Cette attaque contre les Nations Unies ne fera qu’amoindrir nos outils de paix et de défense contre l’inhumanité dans le monde. Cela ne doit pas devenir la nouvelle norme.

Israël est hostile à l’UNRWA depuis longtemps. Cependant, à la suite des attaques odieuses du 7 octobre dernier, une campagne visant à assimiler l’UNRWA au Hamas et à dépeindre notre Agence comme promouvant l’extrémisme a été lancée. Les graves allégations selon lesquelles des employés de l’UNRWA auraient été impliqués dans ces attaques ont donné une toute nouvelle dimension à cette campagne.

Il ne fait aucun doute que les personnes accusées d’actes criminels, dont les attaques déplorables contre Israël, doivent faire l’objet d’une enquête. C’est exactement ce que sont en train de faire les Nations Unies. Selon l’éventualité où elles seraient retenues coupables dans le cadre de poursuites pénales, ces personnes devront répondre de leurs actes.

Le Bureau des Services de Contrôle Interne, la plus haute autorité d’investigation du système onusien, a la charge de cette enquête. Il examine les allégations faites à l’encontre de 19 membres du personnel de l’UNRWA parmi ses 13,000 employés à Gaza. À ce jour, un dossier est classé sans suite faute de preuves. Quatre dossiers sont suspendus par manque d’informations suffisantes pour poursuivre l’enquête. 14 autres cas font toujours l’objet d’une investigation.

Toutefois, il est de notre devoir de distinguer le comportement de certains individus du mandat de l’Agence, qui est de porter assistance aux réfugiés de Palestine. Il serait injuste et malhonnête d’attaquer la mission de l’UNRWA sur la base de ces allégations.

Indépendamment de ces enquêtes, d’autres allégations de collusion avec le Hamas ont été proférées. Aux yeux de certains, elles ont, je crois, fait des travailleurs et des biens humanitaires de l’ONU des cibles légitimes. Cela représente un danger pour l’intégralité des personnels onusiens où qu’ils soient. Le monde se doit de s’opposer avec détermination à ces attaques illégitimes contre les Nations Unies, non seulement pour Gaza et les Palestiniens, mais également pour toutes les nations. L’adoption, en mai dernier, de la résolution 2730 par le Conseil de sécurité de l’ONU sur la protection du personnel humanitaire est un développement bienvenu.

La communauté internationale dispose de mécanismes permettant de lutter contre les crimes internationaux, comme la Cour pénale internationale. Toutefois, l’ampleur et la portée sans précédent des attaques des huit derniers mois contre le personnel et les locaux des Nations Unies dans le Territoire occupé palestinien justifient la mise en place urgente d’un mécanisme d’enquête spécialisé et indépendant - par le biais d’une résolution du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale de l’ONU - afin d’établir les faits et d’identifier les responsables des attaques perpétrées à l’encontre de ses agences. Un tel mécanisme pourrait garantir l’obligation de chacun à rendre des comptes et, surtout, contribuer à réaffirmer l’inviolabilité du droit international.

Nous devons défendre efficacement les institutions de l’ONU et les valeurs qu’elles représentent avant que la Charte des Nations Unies ne soit symboliquement piétinée. Cet objectif ne pourra être atteint que par une action de la communauté internationale fondée sur des principes et un engagement collectif en faveur de la paix et de la justice.

Source : LE CLUB DE MEDIAPART
Par Philippe Lazzarini, Commissaire-Général de l’UNRWA.
https://blogs.mediapart.fr/philippe...