Sarah Schulman : « On assiste à une impulsion fasciste visant à empêcher les gens de parler »
Juive américaine, activiste en faveur de la Palestine, militante de la cause LGBTQIA+ et ancienne d’Act Up, l’autrice Sarah Schulman répond aux questions de Mediapart sur la guerre à Gaza, l’impunité d’Israël et la poussée des fascismes en Europe et aux États-Unis.
Célia Mebroukine, 3 juin 2024, International Entretien, Mediapart
À l’occasion de la sortie d’une traduction en français de son livre Les liens qui empêchent (éditions B42, 2024), l’autrice américaine Sarah Schulman a fait un tour d’Europe pour parler homophobie, montée des fascismes, et pour donner son regard sur la guerre qu’Israël mène à Gaza depuis octobre.
Connue pour son engagement pour la cause LGBTQIA+, elle est aussi membre de l’organisation juive anti-occupation Jewish Voice for Peace, et porte depuis une quinzaine d’années un discours très critique sur la politique d’Israël envers les Palestinien·nes. Dans l’essai Le conflit n’est pas une agression (publié en France en 2021), elle fustigeait entre autres la position « victimaire » adoptée par Israël. Aujourd’hui, elle dénonce une « folie collective » qui mène à l’aveuglement sur la guerre à Gaza.
Mediapart : En tant que femme lesbienne, juive et membre du conseil consultatif de l’organisation Jewish Voice for Peace, à quoi ressemble votre vie depuis les attaques du 7 octobre puis la guerre menée à Gaza ?
Sarah Schulman : Elle n’a pas vraiment changé car je milite pour la Palestine depuis quinze ans. Mais je me suis rendu compte que j’étais vraiment heureuse d’avoir pris la décision d’affronter et de m’éloigner du sionisme. Voir des gens qui n’ont jamais fait ce travail justifier cette brutalité montre à quel point ils sont devenus fous.
Dès le 16 octobre, j’ai publié une tribune dans le New York Magazine [dans laquelle elle appelle les Américains juifs à faire face à leur responsabilité dans le massacre des Palestiniens par Israël – ndlr]. Très vite, ma position a été claire sur le sujet. Et comme depuis longtemps, je continue de recevoir des e-mails disant que je suis une nazie, une « Jino » [Jew in Name Only, « juive seulement de nom » – ndlr], une collabo. Parce que lorsque vous affrontez Israël, vous faites face à une force très brutale. Mais aujourd’hui, j’y suis habituée et j’y fais face.
Comment définiriez-vous le mouvement mondial actuel de solidarité pour la Palestine ?
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