« Le droit de se défendre » ou comment faire accepter un génocide

vendredi 12 juillet 2024

« Le droit de se défendre » ou comment faire accepter un génocide

Ali Rebas, Chercheur itinérant et interdépendant.
1er juillet 2024

Si l’impunité dont bénéficie Israël, au mépris notamment des décisions d’institutions du droit international, est aujourd’hui flagrante, sa destruction de Gaza s’est d’abord déployé au nom du « droit à se défendre ». Cette formule revient souvent également dans la bouche de nombre de dirigeants occidentaux pour donner un blanc-seing à Tel-Aviv dans les opérations qu’il mène contre les Palestiniens. Une logique coloniale et exterminatrice qui remonte à loin.

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‘Untitled IX’ (1975), tiré de la série the Human States Dia Al-Azzawi

« Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, pas de nourriture, tout est fermé (…) Nous combattons des animaux humains, nous agissons en conséquence. »1
C’est une nation entière qui est responsable. Cette rhétorique sur les civils qui ne sont pas au courant, qui ne sont pas impliqués, c’est absolument faux. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza par un coup d’État. Mais nous sommes en guerre, nous défendons nos maisons. C’est la vérité, et quand une nation protège sa patrie, elle se bat. Et nous nous battrons jusqu’à ce que nous leur cassions la colonne vertébrale.2

Un discours civilisateur, éradicateur, blindé dans son innocence démocratique s’est déployé pour justifier la destruction de Gaza. Il repose principalement sur ce « droit de se défendre » que l’Occident mobilise à chacune de ses menées génocidaires. Aujourd’hui l’État d’Israël fait office de paradigme en la matière. Il importe de comprendre la fonction de ce discours et ses manières d’opérer. La violence illimitée se donne comme contre-violence : ce schéma définit une disposition et une certaine logique qui parviennent à enrôler ou envoûter, à désarmer et paralyser même une partie de ceux qui en percevaient le mensonge et prétendaient y résister.

Attiser un imaginaire
En un sens, rien de nouveau sous le soleil sale du Couchant3. Au-delà de l’extermination elle-même, tous les stéréotypes, les euphémismes, les procédés de légitimation employés pour faire accepter le génocide à Gaza remontent à loin. L’éradication des natifs américains se justifiait en les décrivant comme des hordes sauvages, violeuses et tueuses, attaquant périodiquement les communautés innocentes de pionniers anglo-saxons. Ainsi s’est édifiée la plus grande démocratie au monde, soutien principal et condition d’existence de la « seule démocratie du Proche-Orient » et du génocide en cours. Plus tard aux États-Unis, les Noirs lynchés et pendus étaient souvent accusés de viols (de blanches évidemment), comme dans le cas de Thomas Shipp et d’Abram Smith, qui inspira la célèbre chanson de Billie Holliday, « Strange Fruit ». Les faits et leur véracité importaient peu. Rien n’avait besoin d’être prouvé ou étayé. Seuls comptaient l’horreur de l’accusation, la place et la force de ceux qui la lançaient, la place et la faiblesse de ceux qu’elle désignait et le terrain assuré où elle se déployait, malgré son caractère vague, voire clairement mensonger et vite démenti. Il s’agissait surtout d’attiser un imaginaire déjà bien enraciné, d’éveiller des certitudes que les civilisés avaient déjà sur les sous-hommes et de les confirmer, pour que tout le reste puisse être oublié, pour qu’on se sente autorisé à déchaîner la dernière cruauté en toute bonne conscience4.

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