L’INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FRANCE dit son opposition au ministre Patrick Hetzel

jeudi 24 octobre 2024

Un tiers de la promotion 2024 de l’Institut universitaire de France est signataire d’une déclaration d’opposition à la politique de Patrick Hetzel. Interdits de lecture dans le grand amphi de la Sorbonne en présence du ministre, les lauréates et lauréats se sont levé·es et ont brandi leur texte. Publication d’une vidéo et du texte intégral, précédés d’un résumé de la déclaration.

Pascal Maillard Billet de blog 20 octobre 2024 Abonné·e de Mediapart
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L’Institut universitaire de France (IUF) est un organisme prestigieux bien connu. Il « a pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur » (voir le règlement intérieur ici). Sélectionnés par un jury, les membres bénéficient d’une décharge d’enseignement et de moyens supplémentaires pour leur recherche. Il est rare que les membres de l’IUF prennent des positions politiques publiques contre leur tutelle. Patrick Hetzel a réussi à les mettre très en colère.

Dans une déclaration courte et incisive, les lauréates et lauréats soulignent « les difficultés et menaces » que rencontrent les personnels et usagers et usagères de l’Enseignement supérieur et de la recherche publics et dénoncent les conditions de travail dégradées, la précarité due à la contractualisation massive des emplois, « les coupes budgétaires annoncées » et in fine « le risque d’un décrochage de la recherche scientifique française ».

Ils et elles dénoncent également les prises de position du nouveau ministre en faveur de l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers extracommunautaires, son soutien pendant le Covid à l’utilisation de l’hydroxychloroquine avant même les résultats des tests cliniques, son opposition à la constitutionalisation de l’IVG et ses diverses postures qui témoignent d’un défaut de respect pour les droits des femmes et les personnes LGBTQIA+.

Enfin les 68 lauréates et lauréats signataires de ce texte dénoncent avec vigueur la proposition de résolution formulée par Patrick Hetzel en avril 2024, au titre de député, ayant pour objet de mettre en place une commission d’enquête parlementaire sur "l’entrisme idéologique et les dérives islamo-gauchismes dans l’enseignement supérieur". Cette proposition leur fait craindre « un accroissement des menaces qui pèsent sur les libertés académiques, en particulier dans le champ des études de genre, intersectionelles, environnementales et postcoloniales ».

https://youtu.be/byihK-sBBdA
Les lauréates lauréats de l’IUF manifestent leur oppostion au ministre Hetzel © Hugo harari

Déclaration à l’attention de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Cérémonie d’installation IUF 2024 18 octobre 2024

Nous sommes aujourd’hui rassemblé·es ici pour la cérémonie d’installation de la nouvelle promotion 2024 des lauréat·es de l’Institut Universitaire de France.
Si nous sommes, individuellement, ravi·es de pouvoir bénéficier, grâce à ce dispositif de recherche, de conditions très favorables de travail, avec le temps et le budget alloués à chacun·e d’entre nous durant ces cinq années, nous sommes convaincu·es que ces conditions ne devraient pas être réservées à une faible proportion d’enseignant·es-chercheur·es à l’issue d’un processus de sélection et nous souhaitons rappeler les difficultés et menaces auxquelles les universités publiques et les personnes qui y travaillent et y étudient sont aujourd’hui confrontées en France.

Notre position privilégiée au sein de l’IUF nous invite en effet à rendre visibles les difficultés traversées par l’ensemble des personnels et usager·es de l’ESR public, en soulignant notamment les conditions de travail dégradées de la grande majorité de nos collègues, qui sont nombreux et nombreuses à être cantonné·es dans une précarité durable du fait de l’emploi massif et croissant de contractuel·les, que ce soit pour l’enseignement ou la recherche. Les coupes budgétaires annoncées laissent augurer d’une aggravation de ces conditions de travail dans l’ESR, faisant courir le risque d’un décrochage de la recherche scientifique française. Nous avons également à cœur de rappeler les conditions de vie et d’études de plus en plus dégradées de nos étudiant·es qui font face à une très grande précarité, à une santé mentale fragilisée et subissent de plein fouet les coupes budgétaires dans l’enseignement public.

Nous voulons également exprimer la vive inquiétude suscitée par les implications et prises de position du nouveau ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, promoteur de la LRU, si contestée par les enseignant·es et enseignant·es-chercheur·es des universités publiques : augmentation et différentiation des droits d’inscription des étudiant·es étranger·es hors UE dans les établissements publics de l’enseignement supérieur ; promotion de la sélection, du lien universités-entreprises au détriment de la recherche ; demande d’une autorisation de recours à l’hydroxychloroquine avant même les résultats des essais cliniques durant la pandémie de COVID 19 ; sans compter ses prises de position contre la constitutionnalisation du droit à l’avortement en 2024, contre la loi Taubira en 2013 ou contre la loi Vignal sur le nom de famille, démontrant une posture d’opposition aux droits des femmes et des personnes LGBTQIA+.

La promotion d’une enquête contre « l’entrisme idéologique » et l’« islamogauchisme » en avril 2024, alors que Patrick Hetzel était député, nous fait enfin redouter l’accroissement des menaces qui pèsent sur nos libertés académiques (en particulier dans le champ des études de genre, intersectionnelles, environnementales, postcoloniales ...). La remise en cause de ces champs scientifiques par le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche mettrait en danger les chercheurs et chercheuses incriminé·es et nuirait à la réception des savoirs produits dans des domaines pourtant essentiels au débat public et à la prise de décision politique.

Déclaration signée par un tiers (68 personnes) des membres la promotion IUF 2024.