Au moins 18 Palestiniens ont été tués et 30 autres blessés en Cisjordanie occupée, où Israël a lancé sa plus grande opération militaire depuis deux décennies.

Les forces israéliennes ont simultanément attaqué quatre villes et camps de réfugiés dans le nord, avec des centaines de soldats soutenus par des véhicules blindés, des bulldozers, des avions de chasse et des drones. Une grande partie de la violence s’est concentrée sur Jénine, une cible fréquente des raids des forces israéliennes, mais cette dernière opération militaire est la plus importante depuis la deuxième Intifada. Ahmed Tobasi, directeur artistique du Freedom Theatre dans le camp de réfugiés de Jénine, affirme que les tactiques d’Israël visent à « punir le peuple, punir les civils », avec pour objectif ultime le nettoyage ethnique. « Ils veulent que la Palestine soit vidée de ses Palestiniens. » Il appelle également l’opinion publique américaine à s’exprimer contre le soutien militaire continu à Israël, affirmant que les massacres à Gaza et en Cisjordanie ne sont possibles que parce qu’Israël a « le feu vert du gouvernement américain ».

Transcription (et traduction de l’anglais) de l’émission DEMOCRACY NOW, avec l’invité Ahmed Tobasi
directeur artistique du Théâtre de la Liberté (Freedom Theatre) dans le camp de réfugiés de Jénine.

AMY GOODMAN : Ceci est Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report . Je m’appelle Amy Goodman, avec Nermeen Shaikh.

NERMEEN SHAIKH : Passons maintenant de Gaza à la Cisjordanie occupée, où Israël a lancé sa plus grande opération militaire depuis plus de deux décennies, attaquant simultanément quatre villes et camps de réfugiés dans le nord avec des centaines de soldats soutenus par des véhicules blindés, des bulldozers, des avions de chasse et des drones. Au moins 18 Palestiniens ont été tués et 30 blessés.

Mercredi, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé Israël à mettre immédiatement fin à son opération militaire et a fermement condamné la perte de vies humaines, y compris celle d’enfants.

Pendant ce temps, trois groupes palestiniens de défense des droits de l’homme ont publié une déclaration commune mettant en garde contre « une escalade de la violence en Cisjordanie, avec l’emploi de tactiques qui reflètent celles utilisées dans la campagne génocidaire d’Israël à Gaza, en particulier les attaques contre les hôpitaux et les établissements de santé, et le recours à une force excessive et aveugle ».

AMY GOODMAN : À Jénine, les forces israéliennes ont encerclé la ville, bloquant les points d’entrée et de sortie ainsi que l’accès aux hôpitaux et détruisant les infrastructures du camp de réfugiés de Jénine. Jénine a été la cible de raids fréquents des forces israéliennes, mais cette dernière opération militaire est la plus importante depuis la deuxième Intifada il y a vingt ans, lorsque Jénine a été le théâtre de certaines des pires violences de cette période après que les forces israéliennes l’ont envahie en 2002, ont assiégé le camp de réfugiés, tuant des dizaines de civils, détruisant des centaines de maisons, laissant un quart de la population sans abri.

Nous nous rendons maintenant à Jénine, où nous sommes rejoints par Ahmed Tobasi, directeur artistique du Théâtre de la Liberté dans le camp de réfugiés de Jénine.

Bienvenue à Democracy Now ! Ahmed, décris-moi la situation actuelle à Jénine.

AHMED TOBASI : Merci, Amy, de m’avoir invité.

Je veux dire, la scène, c’est toujours la même chose. Mais comme je l’ai dit auparavant, les Israéliens continuent de nous surprendre, même dans la façon dont ils procèdent à leurs invasions. Pour être honnête, j’appelle mes sœurs et des amis, et ils ont très peur. Nous, nous avons tous très peur. Nous savons qu’il y a quelque chose de différent dans cette invasion. La façon dont ils ont commencé l’invasion, la façon dont ils la mènent maintenant, c’est vraiment effrayant. Les gens ne savent pas ce qui va se passer.

Il semble que l’invasion sera un peu plus longue que les autres. Nous sommes surpris du nombre de soldats et des véhicules qui continuent à arriver dans la ville. Le camp a maintenant parfois de l’électricité, parfois non. Bien sûr, il n’y a pas d’internet. Nous essayons d’utiliser les 3G, et ce n’est pas toujours très bon. Mais oui, c’est une atmosphère de peur où tout le monde attend.

Et vous savez, ce qui s’est passé à Gaza, les gens du camp ont vraiment peur que cela leur arrive, parce qu’il est évident qu’Israël punit les gens, les civils. Dans le camp, tout le camp est encerclé par l’armée. Toutes les entrées sont fermées. Ils ont déjà rasé toutes les rues, toutes les allées du camp. Et même les bulldozers sont très profonds. Cela signifie qu’aucune voiture, aucune ambulance ne peut entrer à l’intérieur.

Beaucoup de gens ont essayé d’évacuer le camp. Mais c’est très dangereux, car si vous êtes un homme de plus de 15 ou 14 ans, vous risquez d’être abattu si vous bougez ou si vous essayez de vous faufiler hors du camp. Peut-être seulement des enfants ou des femmes, s’ils ont le courage de partir, de savoir ce qui se passe à l’extérieur de la maison, de quitter le camp. Mais personne n’est autorisé à bouger.

Les gens ont peur de ne pas avoir à manger pendant une semaine, parce qu’ils ne se sont pas préparés à l’invasion. Ils ne savaient pas de quel type d’invasion il s’agissait. Et les Israéliens n’annoncent pas exactement ce qu’ils vont faire. Donc beaucoup de gens ont vraiment peur que les enfants n’aient pas à manger.

Alors oui, on entend les drones très proches, les véhicules tout autour, les bombardements de temps en temps. C’est encore une fois la scène qui se répète encore et encore. Et nous ne savons pas quelle sera la fin, combien de temps, ce que nous devrions faire. Et c’est évident que les Israéliens veulent dire aux communautés, aux civils de ces zones : « Vous n’avez que deux choix : vous mourez ici, ou vous partez, vous êtes déplacés vers un autre pays. » Et c’est ce qui se passe – nous attendons toujours ce qui va se passer dans les prochains jours.

NERMEEN SHAIKH : Alors, Ahmed, pourriez-vous replacer cette dernière opération militaire dans le contexte de l’assaut en cours sur Gaza, d’une part, et de la situation qui se développe en Cisjordanie, à la fois avec la violence croissante au cours des 10 derniers mois depuis l’assaut israélien sur Gaza, ainsi qu’avec l’augmentation exponentielle du nombre de colonies israéliennes dans cette région ?

AHMED TOBASI : Oui, je veux dire, en même temps, j’espère que le langage américain et, disons, le journalisme américain commenceront à utiliser la définition de manière appropriée. Ce n’est pas de la violence. C’est un génocide de l’armée israélienne contre le peuple palestinien. Ce n’est pas un conflit. C’est un génocide, une guerre, un nettoyage ethnique, de l’armée israélienne contre les civils palestiniens.

Et oui, pour être honnête, il s’agit de 100 000 colons contre 850 000 en Cisjordanie. La Cisjordanie n’est plus la Cisjordanie. C’est un petit fragment, des communautés palestiniennes qui vivent ici et là, et toutes les connexions, tout le réseau, les rues, tout cela contrôlé par les colons.

Je vous assure que j’ai reçu une menace de mort. Une fois, je suis sorti pour essayer de retourner de Ramallah à Jénine. Il n’était même pas tard. C’était le soir. Et soudain, nous nous sommes retrouvés encerclés par des colons qui voulaient vraiment nous tuer. Et à la dernière seconde, nous nous sommes mis à courir avec la voiture. Et si nous nous arrêtions, ils étaient prêts à nous tuer. Ils attaquent partout. Ils mettent le feu aux maisons des gens. Ils tirent. Maintenant, ils ont des armes, des armes officiellement autorisées par le gouvernement israélien qui sont données aux colons pour qu’ils tirent sur les Palestiniens de sang-froid.

Donc, nous ne sommes pas seulement face à l’armée. Nous sommes face à des colons fous, des groupes de fous qui veulent tuer toujours plus. Et l’idée est claire. Ils veulent vider la Cisjordanie des Palestiniens. Les gars, ce qui se passe à Gaza, ce qui se passe en Cisjordanie, nous le répétons encore et encore, c’est planifié depuis 80 ans, et les Israéliens ont le temps d’y travailler lentement pour déplacer les Palestiniens en Palestine. Ils veulent que la Palestine soit vidée de ses Palestiniens, et c’est le seul plan. Et ils ne se relâcheront pas. Ils ne s’arrêteront pas tant que cela n’aura pas eu lieu, sinon, inch Allah , ce serait une victoire pour les Palestiniens, et ils seraient vaincus.

AMY GOODMAN : Ahmed Tobasi, plus de 10 000 Palestiniens ont été arrêtés en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Nous avons fait état de rapports de CNN , de Human Rights Watch, de Haaretz et d’Addameer sur des prisonniers qui n’ont pas été inculpés et qui ont été victimes d’abus sexuels et de torture. Je me demande si vous pouvez nous parler des effets de ce niveau d’emprisonnement. En décembre dernier, les forces israéliennes ont notamment fait une descente dans les bureaux de votre théâtre, le Jenin Freedom Theatre. Le producteur Mustafa Sheta a été arrêté et condamné à six mois de prison. Avez-vous eu de ses nouvelles ? A-t-il consulté un avocat ? A-t-il été accusé ?

AHMED TOBASI : C’est exactement ce dont je parle, Amy. J’ai eu une interview avec votre programme en décembre, en décembre dernier, et c’est pareil et même plus fou, Mustafa est toujours en prison, aucune information, même les avocats ne sont pas autorisés à lui rendre visite ou à avoir des informations. Comme nous l’avons déjà dit, même des enfants du Freedom Theatre ont été abattus alors qu’ils jouaient.

Donc, pour moi, c’est comme : est-ce que le peuple américain, le gouvernement américain savent vraiment ce qui se passe ? Est-ce qu’ils suivent vraiment ? Nous le disons depuis des années, encore et encore, des tonnes, des tonnes de rapports, des Nations Unies, des tonnes de rapports. Et quoi ? Quelle est la prochaine étape ? Nous continuons à... Je veux dire, c’est pour cela que les Israéliens continuent à intervenir. C’est pour cela qu’ils obtiennent... et je suis sûr que les Israéliens ne pourraient pas le faire s’ils n’avaient pas le feu vert du gouvernement américain.

Je dis, depuis votre fenêtre, depuis votre programme, j’appelle le peuple américain, les artistes américains, les activistes américains, le peuple américain : s’il vous plaît, c’est vous qui devez agir maintenant et mettre un terme à cette folie. Vous devez arrêter de soutenir l’envoi de bombes à Israël. Arrêtez le soutien militaire. Ce soutien militaire sert à tuer des artistes, des enfants, à détruire des théâtres, à tuer des gens, à tuer des femmes. Ils ne font rien de plus que ça.

Et la paix qu’Israël recherche n’est pas la paix en Palestine. Il s’agit de contrôler le monde entier. Il s’agit d’occuper tout le Moyen-Orient et de l’utiliser pour créer une situation politique dans laquelle les États-Unis devraient essayer de combattre la Chine, l’Iran, la Russie et la Palestine.

Je veux dire, nous devons faire quelque chose. Ce ne sont pas seulement les Palestiniens qui doivent s’occuper seuls de l’occupation israélienne qui défend l’Occident et l’Europe, mais aussi les États-Unis. Ils se trouvent dans une situation très difficile. Si les États-Unis ne prennent pas les devants et ne font rien avant que cela ne soit dépassé. Je pense que les Américains doivent expliquer à la prochaine génération ce qu’ils ont fait aux Palestiniens, ce qu’ils ont fait pour sauver et mettre fin à ce génocide et à cette guerre. Les gars, vous aurez une grande responsabilité à l’avenir pour déterminer ce qui est arrivé aux Palestiniens à cause du soutien américain au terrorisme militaire israélien.

AMY GOODMAN : Ahmed Tobasi, nous tenons à vous remercier d’être parmi nous, directeur artistique du Freedom Theatre dans le camp de réfugiés de Jénine, pour nous avoir parlé depuis Jénine.

Source : Democracy Now

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