Droits Humains à géométrie variable

dimanche 11 août 2024

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Riche en spéculation et pauvre en preuves, le rapport de Human Rights Watch habilite le génocide israélo-étasunien et ébranle davantage la crédibilité et l’impartialité du droit international.

Déclaration de la société civile palestinienne

La décision de Human Rights Watch (HRW) de publier un rapport massif et de mauvaise qualité accusant les groupes de résistance armée palestiniens d’avoir commis des abus et des crimes contre les civil·es et les soldat·es israélien·nes le 7 octobre tout en ayant échoué en plus de neuf mois à produire un rapport cohérent condamnant le génocide en cours et en direct d’Israël à l’encontre de 2,3 millions de Palestinien·nes dans la bande de Gaza occupée et assiégée en dit long sur le biais politique de l’organisation.

Le fait que HRW a échoué à ne serait-ce qu’appeler à un cessez-le-feu permanent, sans parler de nommer les crimes d’Israël de génocide, comme l’ont fait de nombreux expert·es de l’ONU et des savant·es éminent·es du génocide, expose davantage la dévaluation raciste et coloniale des Palestinien·nes de la part de l’organisation. HRW a choisi d’extraire les actions des opprimé·es du contexte d’oppression au service de la domination coloniale d’Israël sur tou·tes les Palestinien·nes et son génocide du ghetto de Gaza.

Alors que c’est de loin la plus dangereuse des tentatives de HRW de justifier indirectement le génocide israélien de Gaza, ce n’est pas la première. Son rapport infâme sur le massacre de centaines de Palestinien·nes à l’Hôpital Baptiste Al-Ahliu, par exemple, conclut sans aucune preuve qu’une roquette tirée par des Palestinien·nes a été responsable des tueries, malgré la preuve concrète du contraire présentée par un média et des organisations des droits humains éminents. Comme l’ont déclaré en réponse des expert·es palestinien·nes en droits humains :

« Le point de départ tacite de l’analyse de HRW a été que le problème avec l’attaque génocidaire d’Israël contre les Palestinien·nes est une question de disproportionnalité dans les « incidents » dispersés qui doivent faire l’objet d’une enquête. Dans la plupart de ses rapports et articles, les analyses de HRW commencent par un langage absolu sur les attaques « odieuses », « ignobles » et « indescriptibles » du 7 octobre des groupes armés palestiniens, avec une détermination claire que ce sont des crimes. Pourtant, quand il s’agit de rapporter les victimes palestiniennes des crimes atroces d’Israël, les tueries d’au moins 15 523 Palestinien·nes à Gaza, c’est soit complètement absent ou alors pas reconnu comme illégal. Qu’est ce qui pourrait justifier la violence inhérente de tels doubles standards, la dévaluation et le quasi-effacement des vies palestiniennes, si ce n’est le racisme et la suprématie blanche ? »

Dans une veine similaire, quand ledit rapport est forcé de mentionner les champs de tueries de masse de Gaza, il masque l’auteur, portant un coup fatal non seulement aux références professionnelles du rapport mais aussi à l’intégrité éthique revendiqué par l’organisation. Il est dit « Entre le 7 octobre 2023 et le 1er juillet 2024, les hostilités ont entrainé au moins 37 900 Palestinien·nes tué·es et 87 060 blessé·es, selon le Ministère de la Santé de Gaza ».

Le rapport prétend des « causes profondes », échouant à contextualiser le 7 octobre qui s’inscrit fondamentalement, depuis la Nakba de 1948, dans des décennies du régime de colonialisme de peuplement israélien contre les Palestinien·nes, régime qui utilise l’apartheid et l’occupation militaire comme des outils pour perpétrer son but ultime d’éliminer le peuple indigène palestinien et contrôler leur terre complètement. En ignorant délibérément le contexte essentiel de l’oppression coloniale, le rapport ignore que le droit des peuples à résister contre l’occupation étrangère et la colonisation en ayant recours à la lutte armée est reconnu, en accord avec le droit international. Même lorsqu’il est question des soldat·es israélien·nes détenu·es par des forces de résistance palestinienne, le rapport les appelle des « otages  », effaçant toute distinction entre eux·elles et des captif·ves civil·es.

Le champ défini dans le rapport est biaisé car il affirme seulement examiner les groupes armés palestiniens à ce jour. Il y a donc un niveau d’abstraction par lequel ni un champ géographique ni un champ temporel est défini, quand les deux devraient être dans un reportage sur les droits humains. À ce jour, il ne s’attarde pas sur toutes les violations, ou sur toutes les violations dans les mêmes localisations en question, il s’intéresse uniquement aux violations des groupes armés palestiniens contre les Israélien·nes. Même dans l’évidence de ce champ biaisé, les droits des combattant·es palestinien·nes capturé·es par les forces d’occupation d’Israël sont encore exclus du rapport.

Trahissant les valeurs fondamentales qui devraient gouverner un travail sur les droits humains, le contenu et le timing du rapport du HRW ne sont qu’une tentative de justification indirecte, pour permettre le génocide en cours d’Israël et en détourner l’attention. Le génocide n’est pas mentionné dans le rapport, tout comme la Cour Internationale de Justice et sa décision à propos de la plausibilité de génocide. Est omise également toute référence au rapport de la Rapporteuse Spéciale de l’ONU Francesca Albanese montrant que les actions d’Israël à Gaza équivalent à un génocide. Échouant grossièrement à respecter les normes minimales de professionnalisme, d’impartialité politique, et d’enquête fondée sur des preuves, le rapport manque largement d’intégrité, de fiabilité, d’objectivité et même d’honnêteté.

Il s’appuie largement sur des sources et des sujets de discussion de la propagande israélienne complètement démystifiée, en répétant même que la plupart de l’information utilisée ne pourrait pas être vérifiée de façon indépendante. Le résultat est une tendance répétée d’affirmations présentées comme des « faits  » et des conclusions contradictoires, privant les Palestinien·nes de leur humanité, les inscrivant dans un contexte colonial typique stéréotypé « sauvage  » et « criminel  » tout en effaçant le contexte de la colonie de peuplement armée nucléairement et soumettant un peuple indigène.

Tout en reconnaissant que certaines affirmations des violations palestiniennes se sont révélées fausses, le rapport échoue à aborder la campagne maintenant bien connue et systématique de propagande d’Israël, de ses organes, et de ses responsables qui a été reprise par la profonde complicité des dirigeant·es occidentaux et des médias avant d’être rétractée par la plupart. En ignorant délibérément la campagne orchestrée pour déshumaniser les Palestinien·nes, le rapport tente de réactiver la campagne de désinformation.

C’est notamment flagrant dans le cas de la violence de genre. Le rapport admet que « malgré des efforts considérables, Human Rights Watch n’a pas pu rassembler des informations vérifiables lors d’entretiens avec des personnes survivantes ou témoins de viols durant les attaques du 7 octobre. » Pourtant, le rapport conclut toujours que la violence de genre a été « systématique  » et « conforme à une politique organisationnelle. »

La majorité absolue des « preuves  » de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité présente dans le rapport n’est pas vérifiée et vérifiable professionnellement. Israël a méthodiquement détruit presque toutes les preuves légales et refuse de donner un accès indépendant pour examiner les preuves légales existantes. Bien que le rapport lui-même admette qu’Israël a entravé les enquêtes des droits humains, cela n’a pas empêché ses auteur·rices de prétendre posséder des preuves solides de leurs conclusions radicales.

Dans certains passages, le rapport cite littéralement deux exemples d’abus afin de conclure énergétiquement et absolument qu’un « crime contre l’humanité » a été commis. Pour cela, il base tout son argument sur une prémisse non-prouvée – souvent répétée sans critique dans les médias occidentaux et par les politicien·nes occidentaux·ales – selon laquelle les groupes armés palestiniens attaqueraient les civil·es israélien·nes intentionnellement, en raison de motivations racistes et de plans prédéfinis. Pourtant, le rapport échoue encore à fournir une preuve de ce plan, à l’exception de certains documents manifestement fabriqués, prétendument acquis par l’armée d’occupation israélienne et dont le rapport dit explicitement qu’ils ne peuvent pas être vérifiés.

Contredisant cette affirmation d’intention sans fondement, les chef·fes de file des groupes de résistance palestinienne sont cité·es dans le rapport, soulignant constamment que le plan visait strictement à attaquer la division militaire israélienne de Gaza et que les pertes civiles n’étaient pas intentionnelles et résultaient de complications opérationnelles ou lorsqu’elles étaient intentionnelles, avaient été commises par certain·es civil·es et non par des combattant·es. Ainsi, ce que HRW échoue à reconnaître est que, selon le droit international, tout acte injustifiable commis ce jour doit être pris en compte dans un contexte plus large d’attaque globale sur des cibles militaires de l’occupation étrangère, ce que le droit international reconnait comme de la résistance légitime.

Le rapport recycle des affirmations de la propagande formulées au début du génocide par les autorités israéliennes pour ensuite être réfutées par les propres rapports militaires israéliens. Par exemple, le rapport de HRW affirme, sans même essayer de prouver, que les groupes armés palestiniens sont responsables de toutes les morts civiles (736 israélien·nes et 79 étranger·es) enregistrées par les autorités israéliennes le 7 octobre, ignorant le fait maintenant établi, même par les médias mainstreams israéliens, que l’armée israélienne a utilisé son infâme directive Hannibal, ciblant pour la première fois des civil·es israélien·nes, et pas seulement le personnel militaire comme le stipulait à l’origine cette doctrine odieuse.

Des rapports récents de médias de plusieurs sources de l’armée israélienne ont confirmé, par exemple, que l’armée et les forces aériennes israéliennes ont largement et sans discernement tirés sur des personnes et des véhicules allant vers Gaza, tuant un nombre inconnu de civil·es et de combattant·es israélien·nes, aux côtés de nombreux Palestinien·nes qui les retenaient captif·ves. Notamment, un survivant israélien a déclaré à la chaîne de télé nationale Kan qu’un char israélien a bombardé une maison de son kibboutz tout en sachant qu’il y avait de nombreux prisonnier·es civil·es israélien·nes à l’intérieur.

Une autre affirmation que le rapport fait est que les groupes armés palestiniens ont délibérément planifié et exécuté l’attaque sur le festival Nova, malgré les rapports militaires israéliens démentant cela en novembre 2023. Ce rapport largement couvert publié dans Yedioth Ahronoth dans lequel un pilote d’hélicoptère israélien admet avoir tiré sans discernement sur toutes les voitures au festival Nova, tuant « possiblement  » des civil·es israélien·nes, est totalement ignoré par le rapport politiquement orienté de HRW. Une enquête vraiment indépendante, compétente et professionnelle sur ce qui s’est passé exactement ce jour est clairement nécessaire pour atteindre la vérité.

En contraste frappant, les rapports de HRW sur les attaques israéliennes contre les Palestinien·nes de Gaza ont systématiquement blanchi le génocide, utilisant les termes les plus conservateurs pour décrire les violations israéliennes, ne les condamnant jamais énergétiquement comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Ignorant l’asymétrie de cette relation coloniale, HRW n’impute pas une seule fois une intention criminelle à Israël et aux Israélien·nes aussi clairement et concluante qu’il l’a fait à répétition avec les Palestinien·nes, malgré le fait que les crimes commis par Israël, vieux de plusieurs décennies, l’emportent haut la main sur tous les crimes attribués aux Palestinien·nes.

Une lettre récente dans le Lancet conclut qu’une estimation conservatrice du nombre total de mort·es palestinien·nes dû au génocide israélien pourrait atteindre le montant choquant de 186 000. Extrapolant les ratios actuels, environ 163 000 d’entre eux·elles seraient des civil·es, ce qui est au moins 200 fois le nombre de civil·es israélien·nes tué·es, selon des sources du gouvernement israélien. Il semblerait que HRW en ignorant la réalité de la colonisation de peuplement d’Israël et la relation oppresseur-opprimé de pouvoir et de résistance, valorise les vies civiles israéliennes 200 fois plus que n’importe quelle vie civile palestinienne. Des droits humains à géométrie variable !

Le génocide israélien à Gaza est armé, fondé, rationné et défendu par l’occident colonial, avec à sa tête les États-Unis. Il est aussi rendu possible par la complicité des états, des institutions, des entreprises et des médias racistes mainstreams – ainsi que des organisations revendiquant les droits humains alors qu’elles sont engagées dans une tentative immorale de blanchir les violations les plus grotesques et systématiques des droits humains. Ce que fait exactement le rapport de HRW.

La société civile palestinienne demande à Human Rights Watch le retrait de ce rapport propagandiste et favorisant le génocide et des excuses quant à sa publication. S’il n’y parvient pas, nous appelons tou·tes les Palestinien·nes, tou·tes les personnes de la région arabe, ainsi que les personnes de conscience dans le monde entier à reconsidérer leurs relations avec HRW, y compris en s’abstenant de toute coopération. HRW doit rendre de sérieux comptes pour avoir aidé et encouragé un génocide, crime parmi les crimes.

Source : BDS FRANCE
(Voir liste des signataires) https://www.bdsfrance.org/droits-hu...