Comment résister pendant la torture et dans les prisons de l’occupant
Extraits de Interview de Lena Meari, professeure assistante à l’université de Birzeit (près de Ramallah), par le Collectif Palestine Vaincra, à propos de ses recherches sur le « Sumud »(Résistance/résilience), notamment dans les prisons.
« Je m’appelle Lena Meari. Je suis née à Haïfa sein d’une famille réfugiée originaire de Al-Birweh, un village détruit par les forces sionistes en 1948. Durant ma carrière, je me suis penchée sur plusieurs disciplines, notamment l’anthropologie, la psychologie, les études et le développement de genre. Mes recherches portent sur les luttes anticoloniales, les mouvements révolutionnaires, la pensée et les méthodologies féministes décoloniales ainsi que la formation des subjectivités révolutionnaires.
La place des prisons au sein du contexte colonial palestinien
Les régimes coloniaux, par nature, sont intimement liés à l’emprisonnement politique ainsi qu’à la torture. Durant les luttes de libération anticoloniales, telles que la guerre d’Algérie contre la colonisation française entre 1954 et 1962, la torture devient une pratique routinière du terrorisme de l’Etat colonial, et partie intégrante de la stratégie de défense appliquée par l’armée pour assoir sa domination coloniale.
Au sein du contexte colonial palestinien, l’emprisonnement de masse et la torture physique et psychologique systématique des Palestinien·ne·s sont employés comme méthodes coloniales privilégiées pour répandre encore plus la terreur, prévenir et opprimer toute forme d’opposition anticoloniale face au projet sioniste de colonisation de peuplement.
Les techniques d’interrogatoire sont principalement axées sur un isolement total de l’activiste, des interdictions prolongées au droit de voir un avocat, la torture physique et psychologique, la privation de sommeil pendant plusieurs jours, l’arrestation de membres de la famille et la soumission à des sévices physiques (positions inconfortables de longues heures durant). Ces techniques visent à l’obtention d’aveux, l’extraction d’informations, le recrutement de collaborateurs, la formation de sujets soumis et la destruction de toute volonté de résistance.
Arafat Jaradat tué par la torture israélienne
Au sein du régime colonial israélien, tous les appareils étatiques sont impliqués dans la torture des prisonnier·e·s politiques palestinien·ne·s, à commencer par les Cours de justice et les juges qui prolongent les périodes d’interrogatoires et d’interdiction d’accès à un avocat, bien qu’ils connaissent les techniques cruelles d’interrogatoires auxquelles les prisonnier·e·s sont assujetti·e·s. Il y a également les médecins, qui examinent les prisonnier·e·s pour confirmer qu’ils peuvent encore endurer la torture, et le procureur général qui clôt les enquêtes contre la Shabak (l’Agence de Sécurité Israélienne), même dans les cas extrêmes qui mènent à l’hospitalisation ou à la mort du prisonnier·e palestinien·ne, comme ce fut le cas de Samer Arbid, qui arriva à l’hôpital avec 11 côtes brisées et une insuffisance rénale deux jours après son arrestation et sa torture brutale.
En ce sens, les interrogatoires ne sont plus un état d’exception hors la loi. Ils deviennent, au contraire, un espace autorisé par la légalité, y compris la généralisation par les tribunaux militaires israéliens, des détentions administratives qui constituent un emprisonnement sans preuve, basée uniquement sur des informations gardées secrètes par le Shabak et fournies aux tribunaux militaires israéliens.
Depuis 1967, plus d’un million de Palestinien·ne·s ont été arrêté·e·s et soumis·es aux interrogatoires par Israël. Cela constitue approximativement 20% de la population palestinienne totale au sein des territoires palestiniens occupés de 1967 et 40% de la population palestinienne masculine. En comptant les familles des prisonnier·er·s politiques palestinien·ne·s, on se rend compte que l’emprisonnement de masse affecte la vie intime de la majorité des Palestinien·ne·s.