Campagnes BDS : petit caillou devenu grand

mardi 17 septembre 2024

Des lueurs dans les ruines palestiniennes

Cela fait 19 ans que la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) tente de contraindre les soutiens économiques d’Israël à se désengager des territoires où apartheid et colonisation sont de mise. Depuis la riposte aux attaques du 7 octobre, ses actions gagnent en vigueur, avec plusieurs victoires encourageantes.

JPEG - 89 ko Au regard du nettoyage ethnique en cours, cela peut sembler être des victoires dérisoires. Que pèse par exemple le retrait fin 2023 de l’équipementier Puma (alors sous contrat avec la fédération israélienne de football) face à des dizaines de milliers de vies arrachées ? De toute évidence, à court terme, la guerre n’est que peu impactée par les campagnes de boycott lancées partout dans le monde, notamment par la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) lancée il y a près de 20 ans par des ONG palestiniennes. Il n’empêche : de petites victoires en petites victoires, ces mobilisations de la société civile dans le monde entier permettent d’envisager à long terme une autre issue au conflit que celles décrétées par la supériorité militaire écrasante ou les jeux diplomatiques pipés.

AXA, Puma & co

Après Puma, la dernière victoire en date de BDS concerne l’assureur AXA. Lancée en 2016, la campagne « Stop AXA Assistance to Israeli Apartheid » a fini par porter ses fruits. D’abord poussée à se désinvestir du géant de l’armement israélien Elbit Systems, la multinationale française a finalement rompu tous ses investissements dans les principales banques israéliennes, soutiens de la colonisation en Cisjordanie. Les recettes du succès : des assemblées générales d’actionnaires perturbées, des manifestations devant les bureaux, des milliers d’appels ou de mails, une campagne de boycott efficace… Autre signe encourageant : la campagne militaire sanglante ayant suivi l’attaque du 7 octobre 2023 a provoqué une hausse des appels au boycott contre le régime israélien. « La société civile est de plus en plus motivée pour nous soutenir, explique Juliette Simon, de BDS France. On a été rejoint par beaucoup de jeunes – et depuis le 7 octobre, une petite dizaine de comités locaux ont été créés, permettant d’étendre notre champ d’action. » Soulignant la dynamique en cours, Juliette ajoute : « Quand dans un cortège on annonce la campagne contre Carrefour ou BNP Paribas, les gens sont hyper motivés. » Parmi les objectifs, l’affaiblissement de l’économie israélienne. Juliette rappelle ainsi que l’agence de notation Moody’s a rétrogradé la note d’Israël début 2024. Un début, même si le PIB de l’État hébreu n’est pour l’instant pas significativement impacté. En mobilisant les voix d’acteurs culturels, sportifs ou académiques disséminés dans le monde entier, la campagne cherche aussi à dégrader l’image du pays tout en multipliant l’origine des pressions.

Dans la balance, également, le risque juridique pesant sur les entreprises en question. L’ordonnance provisoire de la Cour Internationale de Justice fin janvier dernier concernant le « génocide plausible » à Gaza a été suivi d’une autre en juillet considérant les occupations en Cisjordanie comme illégales. De quoi freiner les ardeurs des collaborateurs du régime, susceptibles d’être poursuivis pour « complicité » de commission de crimes internationaux, voire de génocide1.

L’État français complice et répressif

Mais derrière cet aspect encourageant, la realpolitik hexagonale continue à soutenir les massacres de Tsahal. En une décennie, la France a vendu pour près de 208 millions de matériels militaires à Israël. Dans ces conditions, les « fleurons » de l’armement auraient tort de se gêner, à l’image de Thalès : en juillet dernier, le site d’investigation Disclose révélait que le géant du secteur fournissait des équipements high-tech aux drones tueurs d’Elbit Systems2. Une information qui fait de l’entreprise une cible plus que légitime pour ceux qui sont décidés à mettre des bâtons dans les roues aux exactions du régime israélien. « On essaye d’obtenir que des bateaux chargés de matériel militaire soient bloqués dans les ports français, comme cela se fait dans d’autres pays, comme en Italie », explique Juliette Simon.

D’autres actions ont été menées contre des entreprises participant à l’armement d’Israël, à l’image d’Eurolinks3. Mais la répression est de mise pour ceux qui tentent de dénoncer le génocide en cours. Juliette raconte un épisode ubuesque lors du passage de la flamme olympique à Aix, où des militants souhaitant manifester leur soutien à la cause palestinienne ont été contrôlés à de multiples reprises et leur matériel (drapeau, tracts, etc.) confisqués. Les nombreux manifestants ayant écopé d’amendes de 135 euros un peu partout en France peuvent également témoigner de cette répression politique.

Une campagne mondiale

Juliette invite à appréhender la situation de manière plus globale : « On a tendance à regarder notre petite cuisine en France, mais il se passe des choses partout, en Corée, en Afrique du Sud, en Angleterre, car l’image d’Israël se dégrade partout dans le monde. » En témoignent les multiples actions contre Elbit Systems, qui fournit 85 % des drones et la plupart des équipements militaires terrestres de l’armée israélienne. La multinationale a ainsi été récemment contrainte de fermer une usine en Angleterre suite à une lutte militante victorieuse, menée par Palestine Action. La compagnie s’est aussi vue soumise à des campagnes hostiles à Manchester, Boston, au Québec… Un mouvement florissant bien que trop souvent noyé sous une couverture médiatique biaisée, liée à une diplomatie largement pro-israélienne. Une montagne infranchissable ? Rappelons que contre toute attente, David a fini par foutre la pâtée à Goliath…

Source : CQFD